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Catégorie : - Histoire, Patrimoine, Sites, Tourisme
Publication : lundi 30 septembre 2002 12:00
Écrit par Gilbert Joseph Coudert et Jean-Marie Sachet
Affichages : 20577

LAVAVEIX-les-MINES Quand le charbon était l’or noir

La Mine – Vue généraleLa Mine – Vue générale

Au temps où nous sommes, des loisirs et de la R.T.T., on ne pense guère qu’au charbon de bois pour alimenter le barbecue dominical où l’on cuit le mouton et la merguez et même le bœuf à la broche, qui donne tant de labeur à nos valeureux amis de l’Alliance Creusoise.

Le charbon de terre, lui, n’est plus dans notre environnement et on l’oublie. Pourtant on lui doit tout.

Du début du 19e siècle jusqu’en 1960 il fut le nerf du progrès économique et scientifique, la base concrète de l’ère de la vapeur qui anima les locomotives et machines de toute nature.

Qu’on le dénomme charbon, houille, anthracite pour le meilleur, il imprégnait à un tel point la conscience collective qu’on appela l’électricité, la houille blanche.

Un gisement charbonnier était un trésor que l’on défendait bec et ongles comme l’illustre l’histoire clochemerlesque de Félicien S. en délicatesse avec la compagnie des houillères d’Ahun.

LE FONDS CONTRE LE TREFONDS

En 1804 le code civil définit la propriété comme étant celle du sol, du sous-sol jusqu’au centre de la terre, et s’élevant de sa surface, virtuellement, jusqu’au plus haut des cieux.

Plus d’entraves à la liberté individuelle, les corporations abolies, l’extraction charbonnière fut conduite artisanalement par les ruraux disposant de faibles moyens, prospectant et exploitant de manière anarchique les filons de faible profondeur.

On mit 6 années, poussés par les contraintes économiques, pour revenir, non sans regrets, au régime juridique d’avant 1789.

La loi sur les mines du 21 avril 1810, remit en vigueur la notion du tréfonds, à savoir que pour les propriétés sises sur un bassin houiller, le tréfonds c’est-à-dire le sous-sol, appartenait à l’Etat qui en concédait l’exploitation pour une durée déterminée.

Lorsque la commune de Lavaveix fut créée en 1868, l’annexion d’une partie du territoire de St-Pardoux-les-Cards que constituaient les hameaux de la vieille Ville-Vaveix et du Cluseau, amena une population d’agriculteurs peu sensibles à ces arguties juridiques, ombrageuses sur le respect des droits du terrien et comme le temps n’était point au zen, au cool, il n’était pas recommandé de franchir sans autorisation la gorce (la haie) qui fermait le domaine.

Les pauvres oies des femmes de mineurs en faisaient souvent les frais lorsqu’elles s’aventuraient sur un terroir agricole, elles étaient abattues d’un coup de fusil et il en résultait de véritables drames, des injures proférées, des malédictions lancées, des pleurs, des lamentations, des indignations qui agitaient un temps les habitants du quartier de la Verrerie.

Mais, passe aujourd’hui, vient demain, tout se calmait, tout s’oubliait.

Plus grave était le cas de l’agriculteur qui, creusant sur ses terres, en tirait de la houille, dont il se disait propriétaire et qu’il vendait à vil prix.

La Compagnie concessionnaire, informée, portait plainte contre les contrevenants agriculteurs, sur la concession Nord ou bien sur celle du Sud pour la veine charbonnière de Courbarioux dit Courbariot dans le langage de l’époque.

On rapporte ci-après l’anecdote concernant le conflit qui s’éleva entre Félicien S. et la S.A. des Houillères d’Ahun.

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Les démêlés de Félicien S. avec la S.A. des Houillères d’Ahun

Félicien S. au cours d’un labourage découvre la houille qui affleure sous la glèbe, à deux pieds de la surface.

Comme tout bon paysan il se chauffe au bois, mais la curiosité mêlée d’un soupçon de mercantilisme le pousse à creuser le sol et il constate que la couche est épaisse et que le charbon est de bonne qualité.

Après tout, il est chez lui et il n’a pas à être spolié de son bien au profit de tiers qui en tirent des bénéfices et il exploite et cède par tombereaux le produit de son sol et de son travail, le tout pour un prix fort modique.

Le manège dure peu, la Société d’Ahun dépêche un huissier sur place, lequel bat en retraite car Félicien S. tire des salves en l’air.

Le lendemain l’homme en noir revient accompagné de gendarmes, il se maintient à distance du puits car il soupçonne une chausse-trape, il a raison, car Félicien a creusé des sous-caves sur les bords dans l’espoir de voir choir l’huissier au fond du trou, afin de le ridiculiser.

Un procès-verbal est dressé mais Félicien S. prétend qu’il a voulu tout simplement rechercher de l’eau, que la couche de charbon, n’était pour lui, rien d’autre qu’une gêne pour son travail, et qu’elle ne constituait qu’un remblai dont il a dû se défaire.

On enregistra ses dires mais la S.A. des mines d’Ahun déposa une plainte auprès du procureur d’Aubusson.

Les commères du quartier de la Verrerie parcouraient les rues en s’esclaffant que le tueur d’oies était un voleur de charbon.

Félicien S. s’inquiétait, on riait sous cape à son passage, les bonnes âmes lui disaient que son combat était la lutte du pot de terre contre le pot de fer et que la Compagnie lui ferait « manger » son domaine.

Félicien S. déprimait, il était sombre et anxieux lorsqu’il se rendit au matin de ce beau jour de mai 1923 à la grande foire aux chevaux de Chénérailles.

Au fond de la mineAu fond de la mine

A proximité de la mine

 Thumbnail imageBassins de Schlams et vue de la gare

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L’Eglise à la dédicace de St-Joseph

L’Eglise à la dédicace de St-JosephL’Eglise à la dédicace de St-Joseph

Comment l’emballement d’un cheval peut changer le cours des choses

La Compagnie d’Ahun avait une importante cavalerie de chevaux de trait et ânes en sous-sol et en surface.

On les logeait, cour des chevaux, dans un grand bâtiment en briques rouges sous la surveillance du maître des équipages, un auvergnat, venu de Chamalières M. Demay assisté de 3 palefreniers dont Jean Simonet habile à tresser en nattes la queue des chevaux et surnommé pour ce fait, le père Trousse-queues.

Quotidiennement on baignait dans un lavoir au plancher en pente douce, chaque animal, pour éliminer la poussière de charbon qui pouvait en imprégner la robe.

Cohabitaient avec les percherons, les boulonnais, les ardennais ; trois chevaux de selle réservés aux familles des ingénieurs, maîtres-mineurs, géomètres ou membres du conseil d’administration.

Parmi les férus d’équitation on comptait la jeune et jolie épouse de l’Ingénieur en chef Mme Solange M. qui avait décidé de chevaucher les 2 lieues de poste séparant Lavaveix de Chénérailles pour voir et examiner les chevaux du foirail.

Or, il arriva que dès l’entrée du chef-lieu de canton, pour une cause inconnue, le cheval de Solange M. prit peur, se cabra, s’emballa au grand galop, semant la panique sur-le-champ de foire, dispersant la foule qui fuyait lamentablement, alors que la cavalière désarçonnée allait faire une chute qui pouvait lui être fatale.

C’est alors que l’on vit s’élancer un courageux paysan qui se suspendit d’une main à la bride et de l’autre fermait les naseaux de la bête, jusqu’à lui couper le souffle, pour l’arrêter bientôt dans sa course folle.

Cet intervenant, ce héros d’un jour, téméraire et modeste à la fois, c’était Félicien S.

On imagine aisément les manifestations de reconnaissance de la cavalière confuse et atterrée de la dimension prise par l’événement et son désir de remercier concrètement son sauveur que la foule désigna nommément avec admiration comme étant Félicien S.

Ce dernier, bouleversé par le charme et la gentillesse de l’amazone, fut modeste et galant, ce qui n’était guère dans ses habitudes.

Les choses reprirent leur cours. Cependant le mardi suivant ce premier dimanche de mai un petit paquet fut adressé à Félicien qui, en l’ouvrant découvrit, et un assortiment de tabac gris de scaferlati ordinaire, et un pli par lequel la Compagnie d’Ahun joignait à ses remerciements, une lettre de désistement de toutes poursuites judiciaires.

Le visage de Félicien S. s’éclaira, il se mit à mieux respirer et c’est alors que son épouse lui confia à l’oreille : « Tu as de la chance, Félicien, car c’est dans les petits paquets que se trouvent les plus beaux cadeaux. Je me souviens toujours du petit paquet qui contenait la bague et sa jolie perle que tu m’as offerte pour nos dix ans de mariage ».

Une ombre passa sur le front de Félicien : la perle était fausse.

Gilbert Joseph Coudert

P.O. Jean Mineur

Articles parus dans notre bulletin N° 14 de septembre 2002

 

 

Le 4 juillet 2006, Jean-Marie Sachet, Conseiller honoraire de l’Enseignement technologique, maire de la commune de La Celle-Dunoise et adhérents des Amis de la Creuse, a participé à la Commission régionale du patrimoine et des sites en Limousin. Il nous communique l’article ci-dessous 

Les mines de Lavaveix et des environs sauvées de l'oubli

 Il est souhaitable en effet que subsiste, pour les générations futures, ce que fut ce bassin minier où tant d’ouvriers, souvent dans des conditions difficiles, ont usé leurs forces pour soustraire le charbon.

En raison d’un coût phénoménal il n’est pas possible de tout protéger mais tout au moins la partie la plus intéressante, afin de rappeler aux futurs visiteurs ce que fut la vie des mineurs, et consolider aussi ce qui présente aujourd’hui quelques risques.

Deux cent dix puits ont été recensés grâce aux archives.

Quarante et un sont encore visibles et quinze sont prioritaires pour des travaux de mise en sécurité dont dix sont situés sur des parcelles visées par l’arrêté d’inscription de 2005.

Il faut savoir que des effondrements de terrain aux abord d’un puits ont entraîné récemment la démolition d’une maison.

En 2005, un arrêté a été pris portant inscription provisoire du site au titre des monuments historiques.

Cependant cet arrêté est apparu aujourd’hui inadapté compte tenu de l’importance des travaux de mise en sécurité suivant un programme détaillé de la Direction régionale de l’industrie de la recherche et de l’environnement (D.R.I.R.E.). Il faut donc essayer de protéger une partie de ce patrimoine pour une mise en valeur.

Il s’agit tout d’abord de lever l’inscription globale actuelle en la ramenant à une zone d’abords de 500 mètres où toute modification sera soumise à l’avis de l’architecte des bâtiments de France, gage de sécurité.

L’arrêté pris en juin 2005 l’a été à la suite d’un vœu de M. le Préfet de la Creuse, consécutif à la mise en liquidation de la Société des houillères d’Ahun de mars 2005 qui avait cessé toute activité depuis 1969. Activité reprise par un exploitant privé après la seconde guerre mondiale. Il est vrai que le bassin houiller a été pleinement exploité jusqu’en 1929 et cela depuis le 19e siècle.

Lors de la réunion de la Commission régionale du patrimoine et des sites du Limousin du 4 juillet 20006, présidée par M. Erlenbach, directeur régional des affaires culturelles du Limousin, il a été proposé :

1 – l’inscription aux titres des Monuments historiques des façades et toitures des anciens ateliers des houillères avec le sol des parcelles correspondantes.

2 – l’inscription au titre des Monuments historiques des façades et toitures des maisons des mineurs du Fbg St-Jacques, y compris deux maisons appartenant à des particuliers ainsi que le sol des parcelles correspondantes.

Ces deux propositions ont été adoptées à l’unanimité.

On peut donc espérer que sera ainsi préservée une partie de notre histoire et de ce monde ouvrier avec ses joies et surtout ses peines.

Jean-Marie Sachet

Extrait du bulletin des Amis de la Creuse N° 28 - Septembre/octobre 2006


Les grands auteurs racontent la mine - Publié le 04/08/2020